Mais d’où vient le succès de Marrakech ? Les nostalgiques comme Momo, grand maître du restaurant l’Amandier (aujourd’hui officiant au Picasso du quartier Gauthier de Casablanca), le conservateur de la mémoire locale,  Abdellatif Abouricha, incontournable pilier du conseil régional du tourisme (collège regroupant des représentants de l’autorité et des professionnels),   le chef d’orchestre Denis Le Maire, ci-devant grand ordonnateur des mondanités de la ville ocre,  plume de critique gastronomique redoutée par les restaurants et les hôtels en rupture de ban avec l’éthique de leur profession, n’hésitent pas à remonter la pendule jusqu’aux années 50.

C’est là qu’arriva la comtesse Boul de Breteuil, fine fleur de la grande noblesse française, qui fuyait les mondanités de l’Hexagone comme autrefois Tocqueville se réfugiant  aux Etats-Unis pour échapper aux fureurs de  la Révolution française.

 

Boul de Breteuil s’établit dans la Medina, attirant dans son sillage beaucoup de monde. Plus tard, la maison fut cédée à un VIP marocain, puis à l’Espagnol Adolfo Velasco, célèbre antiquaire à la Mamounia, tous deux décédés.

 

 

 

Dans les années 60, Marrakech continua d’attirer des hommes et des femmes de culture et de grands noms. La maison de Son Altesse Sérénissime la Princesse Auersberg, d’origine autrichienne, mariée au baron Krupp, était de ces endroits où il fallait être aperçu au moins une fois.

Dans les années 80, en 1982 exactement, Jamal Sadi, ancien président de l’Association des guides et accompagnateurs de Marrakech, qui a aussi contribué au succès actuel de la ville , effectuait son service à l’Office français du tourisme à Paris. Et Eve Ruggieri, journaliste vedette de France 2, qui a présenté plusieurs émissions de « Musiques au cœur » depuis le Maroc, cherchait un bon guide pour visiter et connaître de plus près cette ville qui revient régulièrement à table, dans les conversations des aristocrates et des grandes familles bourgeoises, dopés  par l’épargne amassée durant les Trente Glorieuses. La rencontre entre ces deux personnalités scelle le projet d’un voyage et le succès mondial des charmes du Palais Bahia, qui offrit les décors à l’émission. L’idée d’une grande soirée musicale autour du patio de cette grande bâtisse a germé dans la tête d’Eve Ruggieri.

Dame hasard faisant mieux les choses que les stratégies et les campagnes de promotion touristique, l’animatrice tomba sur Maurice Flauris, directeur de département au Ministère français de la culture, à l’époque de Jack Lang. L’initiateur de la fête de la musique (fêtée le 21 juin de chaque année, sur l’Equateur, les deux tropiques et à aux proximités des deux pôles) avait alors établi ses quartiers d’hiver au Palais de la Mamounia. Le projet d’une soirée mythique autour du patio de la Bahia est entériné. Jusque-là, l’étoile montante de la ville ocre n’était constituée que de hasards et de bouts de ficelles. La grande industrie n’avait pas encore effleuré cette ville qui abrite l’un des plus célèbres minarets de l’islam sunnite (La Koutoubia).

 

Ainsi est né le festival

Le second acte de ce début d’histoire des maisons d’hôtes se situe en 1985 quand la Royal Air Maroc commença ses dessertes sur l’aéroport de Ouarzazate, ville désertique située au sud de Marrakech. A l’occasion, Abdelatif Benseddik, diplômé de Sciences Po à Paris, et à l’époque directeur régional de la Royal Air Maroc à Marrakech, avait une idée qui le démangeait : « Un festival international des musiques classiques et des arts lyriques », comme il le confia à une certaine Eve Ruggieri, qui ruminait le même projet.

Ainsi est né le Festival de la musique classique lyrique de Marrakech, sponsorisé par la Royal Air Maroc et diffusé en direct sur France 2. L’événement tenu le 21 juin 1985 draine de nombreuses vedettes, dont Barbara Hendricks. Les recettes sont versées à l’association des handicapés de Marrakech. Quatre éditions suivront encore, puis c’est l’arrêt brutal. Quelque part dans le désert d’Arabie, la guerre du Golfe venait de commencer. Effrayée par les bruits de botte, l’industrie touristique battait de l’aile en bordure de la Méditerranée. Marrakech sera sinistrée définitivement en 1994 avec les attentats de l’hôtel Atlas Asni.

 

L’émission « Capital »

Puis vint 1998 et ce coup de projecteur de l’émission « Capital » sur une Médina revisitée par le décorateur vedette Bill Willis, qui habitait Marrakech depuis une quarantaine d’années. C’est l’Américain qui a décoré la première mouture du restaurant le Yacout, adresse incontournable de la gastronomie marocaine, où un certain Nicolas Sarkozy a été aperçu deux ans avant la décisive campagne de 2007. Egalement à l’actif de M. Willis, l’hôtel Tichka, à l’époque l’un des meilleurs de la ville ocre. En 2005, l’Américain a été approché par la famille Agnelli (un nom lié à l’automobile et à la maison Fiat) pour décorer une nouvelle propriété acquise auprès de Patrick Guerrand-Hermès au lieu dit Dar-Tounsi, dans la Palmeraie.

Quel était donc le secret de M. Willis ? Tout simple, répond une de ses connaissances : « Il a mélangé des pigments de couleurs au Tadalakt. L’on sait que ce matériau utilisé depuis la nuit des temps dans la région stagnait dans un seul ton : le blanc cassé. » En le déclinant sur plusieurs couleurs, l’Américain à lancé une mode. Encore une touche de M. Willis dans un endroit bien en vue de la Médina et c’est le tout Marrakech qui redécouvre les charmes du Tadalakt.

 

Parallèlement à la renaissance des décors traditionnels, la gastronomie locale reprenait des couleurs. La fièvre de la restauration gagne du terrain. A l’époque, les premiers visiteurs, comme le styliste et couturier Jean Paul Gautier, s’arrêtaient souvent à l’hôtel Ghalia, ouvert en 1929, rue de Recette.

Cet établissement « simple et sans chichi » refusera toujours d’être classé dans les maisons d’hôtes. En fait, il s’agit d’un ensemble de deux riads qui ont préservé leur éclat au fil du temps ; la longue liste des célébrités et des capitaines d’industrie qui y séjournèrent ferait pâlir d’envie certains attachés aux relations publiques.

A la suite de la vague des années 90, l’ex-ambassadeur d’Allemagne à Rabat, feu Helwig Bartels (hommage à un amoureux de Marrakech) ouvre à son tour le Riad Caddi, avec une restauration effectuée au millimètre près, autour du thème du pisé. Après lui quelques bonnes fortunes suivent la tendance. Au début, le phénomène est périphérique. Ces maisons d’hôtes ont fait bouger l’artisanat, le fer forgé, la boiserie, le carrelage…

Que reste-t-il de cette première vague aujourd’hui ? Le nom de Yves Saint Laurent est toujours associé aux jardins de la Majorelle, Hermès à celui de la Palmeraie. Le restaurant la Bohème, non loin du restaurant Argana, théâtre de l’attentat meurtrier qui avait endeuillé la place Jama El Fnaa il y a quelques années, n’en porte pas moins l’emblème de son maître, Jean Lefebvre. Parmi les célébrités qui se rencontrent encore dans la ville ocre, on trouve aussi  Bernard-Henri Lévy, déclaré « citoyen de Marrakech », et qui a racheté la maison de Mireille Darc et d’Alain Delon dans les parages du Palais Royal. Mais aussi les Rolling Stones, qui avaient posé leurs guitares dans la Médina et quelque part dans la vallée d’Ourika. Cette ambiance d’antan a été nécessairement altérée par l’industrialisation de l’activité touristique.

2 Commentaires

  1. Désolé, c’est un torchon de très bas de gamme.
    Marrakech est notre ville, ce sommes nous qui l’avons fait.
    Svp monsieur le journaliste, arrêtons de rêver et pondre des informations dénuées de toute authenticité.
    Je respecte votre admiration pour notre ville, mais je vous invite à être plus profond et perspicace pour la faire découvrir.
    Cordialement mr le journaliste.

    • Khizrane,
      Quand vous dites notre ville, vous nous excluez et ce n’est pas normal. Marrakech serait-elle votre propriété?
      Nous exprimons un point de vue qui n’est pas le vôtre et nos différences de perception sur un même objet contribuent à le rendre encore plus riche.

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